Sans-Papiers : 3,80€ de l'heure, le prix de la misère
Rencontre à Pavillons-sous-Bois (93) avec les travailleurs sans-papiers de Casa Nova. Sébastien CLEE, Maire-adjoint de Bondy, avec les autres élus communistes des villes de Livry et Pavillons, soutient activement le mouvement.
Depuis quelques jours, cinq salariés sans-papiers mauritaniens et maliens sont en grève devant leur lieu de travail : le magasin Casa Nova des Pavillons-sous-Bois en Seine-Saint-Denis. Ces hommes font partis des 300 hommes et femmes en situation irrégulière qui ont débuté en même temps un mouvement de grève pour leur régularisation.
Travaillant dans un secteur dit « en tension », ils revendiquent leur droit à la régularisation comme le permet une loi votée en novembre dernier. Certains travaillent en France depuis déjà plusieurs années, comme en témoigne Ousmane KANE. Il vit en France depuis 7 ans et n'a connu qu'un seul patron, celui de Casa Nova. « Je travaille sept jours sur sept, pour seulement 3,80€ de l'heure, c'est scandaleux. » « Ce que nous demandons, continue Ousmane, c'est de la dignité, nous voulons pouvoir bénéficier, comme tous salariés, d'un salaire décent nous permettant de nous loger et d'élever dignement nos familles. » Ousmane vit avec sa femme et ses deux enfants, dont l'aînée va intégrer l'école maternelle l'année prochaine, un appartement en colocation car il ne dispose pas de revenus suffisant pour se payer un logement pour eux seuls. A leurs côté, des militants CGT et des élus communistes des villes de Bondy, Livry et Pavillons appellent les passants à signer une pétition pour la reconnaissance de ces travailleurs « sans papiers » qui occupent ces emplois.
Paroles d'Ousmane et Sy : « On n'a plus peur. » « Nous sommes cinq sans-papiers et nous touchons 3,80 € de l'heure. » « Notre patron nous a fait signer des contrats de 20 heures par semaine, mais nous travaillons 10 heures par jour 7 jours sur 7 ». Et pas question de refuser cette proposition : « Sinon c'était la porte. » dit Ousmane. « En 2004 et en 2005, le gérant nous a aussi obligés à effectuer des travaux dans la maison qu'il venait de s'acheter. Sans nous payer en plus », renchérit Sy. Tous les deux affirment que, en 2004, leur employeur les a incités à prendre de fausses cartes de séjour. Après des années de silence, Ousmane et Sy ont décidé de ne plus se laisser faire : « Une circulaire qui prévoit la régularisation de travailleurs dans des métiers en tension existe depuis le mois de janvier. Nous demandons à en bénéficier », précisent-ils en chœur.
Sortir de l'hypocrisie : « Depuis que nous avons lancé cette grève surprise mardi, nous recevons des dizaines d'appels de toute la France », constate Francine Blanche, de la CGT. Avec Droits devant ! et d'autres collectifs de sans-papiers, le syndicat a organisé hier un rassemblement près du ministère du Travail. Objectif : être reçu par le ministre et organiser la suite du mouvement « Il faut sortir de l'hypocrisie » dit la syndicaliste.
Plus de 200 travailleurs sans-papiers en grève
en Ile-de-France, pour leur régularisation.
Depuis des décennies, les travailleurs sans-papiers occupent les emplois dans les 150 métiers dits « en tension » (restauration, BTP, nettoyage, jardinage, aide à la personne...), là, où, en comptant avec eux, le gouvernement reconnaît qu'il y a officiellement un manque de main-d'œuvre. Dans le même temps, ce même gouvernement veut les empêcher de travailler en leur interdisant les emplois inclus dans la liste des 150 métiers....
La grande majorité d'entre eux a des feuilles de paye, déclare ses impôts et verse aux caisses d'assurance maladie, retraite, ASSEDIC..., des cotisations, sans pouvoir prétendre en retour en avoir le bénéfice.
Travaillant ici aux conditions des pays où la main d'œuvre est sous-payée, ce sont les délocalisés des branches non-délocalisables. Pour que les groupes dégagent de plus en plus de profits, ils sous-traitent en cascade. Du coup, pour que les troisièmes, voire septièmes sous-traitants récupèrent un bout de profit (qu'aura bien voulu lâcher le premier sous-traitant), on trouve en bout de chaîne des travailleurs sans droits et des travailleurs sans papiers.
Il faut arrêter l'hypocrisie et mettre un terme à cet esclavage moderne qu'imposent les patrons à ces travailleurs. Le gouvernement et le patronat doivent prendre leurs responsabilités.
Travailler dur pour nourrir sa famille, y compris quand elle est restée au pays, n'est pas un délit. Expulser le travailleur sans papier et priver ainsi sa famille des quelques dizaines d'euros qu'il lui adresse chaque mois en est un, au moment où les révoltes de la faim gagnent les pays du sud. Les « sans papiers » ne peuvent continuer à être, au quotidien, les victimes des rafles et des discriminations, à être entassés par milliers dans les indignes centres de rétention, et subir la violence et l'humiliation des expulsions.
Les travailleurs de ces restaurants, de ces entreprises de nettoyage, du bâtiment... ont décidé à leur tour de dire stop ! D'exiger leur régularisation. Dans cette lutte, pour l'égalité des droits, ils ont besoin de la solidarité et du soutien des citoyens et des salariés de ce pays.