RSA « Le dispositif est vidé de son sens »
Vendredi 19 septembre 2008 - L'HUMANITE
RSA « Le dispositif est vidé de son sens »
Les conseils généraux déplorent la mise en place d'un système a minima, qui ne prend pas en compte l'expérimentation dans les départements.
Les poissons pilotes du RSA sont-ils en passe de devenir les dindons de la farce ? C'est la question que se posent sérieusement les élus parmi les 34 départements autorisés, à titre expérimental, à mettre en oeuvre le dispositif, avant l'annonce de sa généralisation. Une décision qui intervient d'ailleurs bien trop tôt, selon Jean-Louis Tourenne, président (PS) du conseil général d'Ille-et-Vilaine, pour « tirer les leçons de l'expérimentation du RSA ». La « généralisation ne se fera pas dans les conditions de l'expérimentation », regrette l'élu, qui estime que le dispositif ne peut faire l'économie d'un réel accompagnement professionnel : « Ce n'est pas qu'une question d'incitation financière. Or le dispositif ne prévoit rien de ce genre », déplore-t-il. Autre grosse lacune du projet : l'absence d'accompagnement social. « L'accueil des enfants des personnes retrouvant du travail, les solutions de mobilité étaient pris en compte dans l'expérimentation », rappelle Jean-Louis Tourenne. « Le dispositif est ainsi vidé de son sens », déplore l'édile socialiste, pour qui « ce sera aux pauvres de financer les pauvres, puisque l'attribution du RSA se traduira par la disparition de la prime de Noël des chômeurs… Quant à la prime pour l'emploi, son montant sera gelé pour 2009. »
Du côté de la Seine-Saint-Denis, on regrette aussi l'absence d'ambition d'un dispositif qui « prétendait répondre à une vraie question : celle du délitement de la qualité de l'emploi et le fait qu'une partie de plus en plus importante de la population se trouve privée du droit d'accéder à l'emploi stable, dignement rémunéré », rappelle Jean-Charles Nègre (PCF), vice-président du conseil général en charge du RSA. « Nous avons fait un nombre important de remarques dans le cadre du livre vert de Martin Hirsch visant à modifier le dispositif radicalement. Le département a en effet deux inquiétudes majeures concernant la généralisation du dispositif : le risque d'en faire un outil de pression sur les salaires, et la pression financière que cela pourrait représenter pour les départements comme la Seine-Saint-Denis, qui est confrontée à un nombre très élevé d'allocataires du RMI », expose Jean-Charles Nègre. Le département avait « posé deux conditions fortes » à cette expérimentation, « acceptées par l'État : que le RSA en Seine-Saint-Denis ne concerne pas les contrats inférieurs à un mi-temps, et que l'allocation de base soit accompagnée d'un RSA complémentaire qui permet de financer les frais liés au retour à l'emploi », comme les transports, la garde d'enfants, la vêture. L'État finançait le dispositif à hauteur de 50 %. Malheureusement, « ce qui est expérimenté en Seine-Saint-Denis n'est pas repris par le gouvernement », déplore Jean-Charles Nègre. Autre question sur laquelle « le RSA est muet » : « La question de la formation des allocataires du RMI, cruciale pour le retour à un emploi stable et reconnu, n'est pas non plus abordée. La Seine-Saint-Denis consacre 17 % du budget RMI aux actions de formation et d'insertion », rappelle l'élu.
Côté financement, Jean-Charles Nègre estime que « le RSA doit donner lieu à une compensation complète de la participation des départements par l'État » surtout « si les départements doivent prendre en compte d'autres bénéficiaires de minima sociaux », comme ceux de l'allocation parent isolé (API). Une exigence partagée par le conseil général d'Ille-et-Vilaine, dont le président n'hésite pas à parler d'« escroquerie d'État » à propos du transfert du RMI.
D'autres départements font part de leurs inquiétudes. C'est le cas du Val-de-Marne, dirigé par Christian Favier (PCF), qui craint une « mise en concurrence par les employeurs entre allocataires du RSA et les salariés actuels ». « Cela encouragerait le maintien des très bas revenus », estime-t-il. Le conseil général réclame donc « avant le vote de la loi, une concertation avec tous les acteurs ». Par ailleurs, Christian Favier pointe lui aussi le risque d'un transfert du système à la charge des départements, et réclame un financement par l'État « pérennisé ».
Sébastien Crépel