RROMS...
« Toutes les idéologies dominantes exercent leur contrôle, leur domination, voire leur violence sur le nomade. Les Empires se constituent toujours sur la réduction à rien des figures errantes ou des peuples mobiles. »
Michel Onfray, Théorie du Voyage.
Sept mois après le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy le 30 juillet 2010, durcissant les mesures envers la population rom, la situation semble ne pas s'améliorer favorablement pour ces derniers, bien au contraire. Selon Libération (21/02/2011) « 70% des 741 camps illicites recensés au 30 juillet ont été démantelés et 3471 personnes reconduites dans leurs pays d'origines. » Mission réussie pour Brice Hortefeux qui fait même mieux que prévu. Toujours d'après Libération « selon l'association Romeurope, le nombre de Roms étrangers présents sur le territoire français est resté stable, entre 12 000 et 15 000 personnes« , en effet la plupart d'entre eux reviennent en France. La situation est loin d'être réglée, et les conditions de séjour et de vie des Roms se durcissent de manière sérieuse
Hier matin les camps de Rroms de Noisy-le-Sec et de Bobigny, situés au Pont de Bondy, ont été évacués par les forces de l'ordre sur ordre du Préfet de la Seine-Saint-Denis.
Vous trouverez après cet article, la lettre du Maire de Bobigny qui s'indigne et condamne cette intervention, alors même que des mesures d'accompagnement des familles avaient été mises en place par la municipalité.
A Bondy aussi, nous sommes confrontés à cette problématique. Des Rroms ont établi leur campement sur notre commune, toujours au Pont de Bondy. Dans le contexte actuel de montée des idées nationalistes et xénophobes, de l'utilisation de la peur des citoyens quant à la délinquance, nous craignons également qu'une telle intervention soit en préparation.
Le Groupe des Elus Communistes et Partenaire a, encore récemment, interpellé notre Maire, pour que notre majorité municipale puisse dicuter et prendre des décisions d'intervention. Il est vrai que nous sommes déjà intervenus auprès du Préfet de Région pour qu'une table ronde se tienne, mais jamais nous n'avons obtenu des décisionnaires un embryon de réponse.
Beaucoup de villes sont confrontées à cette situation. Voir la misère s'installer aux portes des communes, s'indigner, faire intervenir les services sociaux, favoriser la scolarisation des enfants, donner accès aux droits, faire de la prévention sanitaire, etc... Mais cela ne suffit pas, nous le savons, nous en sommes conscients et assomés par notre impuissance et le silence de l'Etat et de l'Europe...
Entre temps, les citoyens s'expriment de deux façons différentes :
- il y a ceux qui nous demandent de les aider, d'intervenir, ceux que cela dérange de vivre dans le pays des Droits de l'Homme qui renie sa réputation et les fondements de son Histoire...
- et il y a ceux qui ont peur, ceux qui "subissent", ceux que cela dérange pour eux-mêmes...
Bien plus que des mesures de protection ou de reconnaissance, les Rroms font l'objet d'une sorte de « hold-up » médiatique et/ou idéologique de plus en plus virulent. Souvent issue d'une classe sociale défavorisée, cette communauté est un bouc émissaire idéal lorsque les politiques dérivent sur les questions de sécurité et de délinquance.
Le terme Rrom désigne un ensemble de populations, ayant en commun une origine indienne, dont les langues initiales sont originaires du nord-ouest du sous-continent indien. Présents en Europe dès le 11ème siècle, les Rroms forment au 21ème siècle la minorité la plus importante en termes numériques. Elle fait donc font partie intégrante de l'Histoire d el'Europe, quoi qu'on en pense...
La culture des Rroms passe outre les codes habituels qui structurent une nation comme la langue, la religion ou le territoire, pour unir une population plurielle. Danse, arts du cirque, littérature, poésie, contes, cinéma… Maintes formes d'expressions artistiques puisées dans les traditions et dans les mémoires alimentent aujourd'hui une pléthore de festivals.
Etonnant qu'on soit si joyeux d'emmener ses enfants au cirque, et si peu soucieux de la misère dans laquelle nos gouvernants placent des milliers de personnes, et cela sous nos fenêtres...
En 2005, 7 États de l'ancien bloc communiste ont lancé l'initiative Décennie de l'intégration des Roms , pour améliorer les conditions socio-économiques et le statut de la minorité rom. En septembre 2008, les 2 députées au Parlement européen d'origine rom, MMme Lívia Járóka et Viktória Mohácsi, ont réussi à faire voter cette initiative au niveau de toute l'Union Européenne... Mais la directive communautaire de 2004 sur la libre circulation des ressortissants de l'UE n'a pas été totalement transposée en droit français.
En juillet 2010, Sarkozy déclare la guerre aux gens du voyage et aux Rroms. En août, une circulaire du ministère de l'Intérieur demande aux Préfets de faire évacuer « 300 campements ou implantations illicites dans les 3 mois, en priorité ceux des Roms ».
Pétain est de retour... Mais la resistance s'organise !
L'expression « en priorité ceux des Roms » contrevient aux principes de non-discrimination inscrits dans le droit constitutionnel. Et l'ensemble de la circulaire contrevient à ceux de libre circulation des personnes et de leur droit de séjour garantis par les traités européens. Enfin la Convention Eruopéenne des Droits de l'Homme interdit Elle interdit les discriminations fondées sur la nationalité, la race ou l'appartenance ethnique. Le 27 août 2010, le Comité pour l'élimination de toutes les formes de dirscrimination raciale de l'ONU demande à la France de « garantir l'accès des Roms à l'éducation, à la santé, au logement et autres infrastructures temporaires dans le respect du principe d'égalité » et se demande pourquoi elle n'a « toujours pas mis à la disposition des gens du voyage le nombre nécessaire d'aires d'accueil conformément à la loi du 5 juillet 2000 (loi BESSON).
Le coût annuel de la reconduite des Roms pour le budget de la France est estimé entre 200 et 250 millions d'euros (selon les chiffres du Sénat français) alors même que qu'une grande majorité des Rroms reviennent en France dans les 3 mois qui suivent.
Le 9 septembre 2010, le Parlement européen adopte une résolution pressant la France de « suspendre sur le champ » les expulsions de Rroms. Le texte, déposé par les groupes S&D, ALDE, Verts/ALE et GUE/NGL, demande à la France et aux autres États membres de « suspendre immédiatement toutes les expulsions de Rroms ». Les députés prétendent également que le relevé des empreintes digitales des Rroms expulsés est illégal et contraire à la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.
Le 14 septembre 2010, la Commissaire européenne à la Justice, aux Droits fondamentaux et à la Citoyenneté, fait part de son « intention de lancer deux procédures d'infraction contre la politique de la France à l'égard des Roms ».
La France est donc dans l'illégalité, dans le déni des valeurs contenues dans les textes officiels qu'elle a signé, dans le cntraire des caleurs qui a jalonné l'histoire de France depuis la Révolution Française. Et vous Français, de souche ou appartenant à une minorité plus ou moins visible, comment vous sentez-vous ?
COMMUNIQUE DE C. PEYGE - MAIRE DE BOBIGNY
« INDIGNATION ET CONSTERNATION »
Catherine Peyge, maire de Bobigny condamne l’évacuation forcée des familles Roms du pont de Bondy
C’est avec indignation et consternation que j’apprends que le préfet de Seine Saint Denis a fait évacuer tôt ce matin les familles Roms abritées sur les berges du canal de l’Ourcq au lieu dit du pont de Bondy.
Je suis indignée car cette évacuation a été organisée par surprise, sans prévenir la mairie de Bobigny.
Or le préfet savait très bien que des solutions, certes précaires, se dessinaient pour cette population en détresse.
A ma demande les services de la ville de Bobigny avaient en effet autorisé ces familles à s’installer sur le terrain dépendant de la commune situé à l’emplacement du pont de Bondy, le temps que nous cherchions et puissions leur trouver une situation plus pérenne.
Cette installation provisoire permettait de suivre et d’aider cette population, scolarisant les enfants, garantissant les soins médicaux nécessaires, assurant des normes d’hygiène et de tranquillité publiques.
Sans doute tel n’était pas le cas du campement mitoyen situé sur la commune de Noisy le Sec où des dérives sauvages d’électricité ont donné le prétexte à l’intervention des CRS qui n’ont pas fait le détail et ont chassé même les familles dont s’occupait la ville de Bobigny.
Je m’interroge sur l’attitude de la Préfecture de Seine Saint Denis.
Avec d’autres maires du département, j’ai demandé à plusieurs reprises l’organisation d’une table ronde sur ce problème qui concerne les Droits de l’Homme, les rapports entre Etats , et dépasse de très loin nos communes déjà lourdement grevées de problèmes sociaux de tous ordres.
Pour toute réponse, la préfecture ordonne ces évacuations à répétition qui condamnent les Roms à une errance forcée d’un point à un autre, provoquant parfois des réactions d’exaspération et d’intolérance dans les populations locales.
Cherche-t-on ainsi à utiliser les Roms dans de bas calculs visant à justifier le discours et la politique sécuritaire et anti-immigration du gouvernement ?
Pour ce qui la concerne au fil des décennies, la ville de Bobigny a accueilli des populations d’immigrés de tous les pays.
Fidèle à cette tradition, la municipalité va s’efforcer de continuer à aider ces familles Roms et mettre provisoirement à leur disposition un autre terrain communal.
Bobigny le 29 mars 2011