BONDY A COEUR

BOUTIN VEUT BOUTER LES CLASSES MOYENNES HORS DES H.L.M

Boutin veut bouter les classes moyennes hors des HLM
Samedi, 29 Mars 2008        LE CANARD ENCHAINE

Réduction carabinée des plafonds de ressources et augmentation vertigineuse des surloyers... La ministre règle à sa façon la crise du logement social.

Vue de la cité bleue...


http://www.actuchomage.org/images/dossiers/canardfile.jpegLa ministre du logement, Christine Boutin, met la dernière main à un projet de loi qui va faire du bruit dans les cages d'escaliers. Ce texte vise, d'une part, à réduire fortement le nombre de personnes ayant le droit d'accéder aux HLM, et donc à privilégier les plus pauvres. D'autre part à pousser vers la sortie, et donc vers le secteur privé, ceux dont les revenus ont fortement augmenté. Deux objectifs que l'on serait tenté d'applaudir vigoureusement si le projet gouvernemental ne risquait d'avoir des effets pervers : la transformation des cités HLM en ghettos pour quasi-indigents et l'exclusion des ménages modestes, pas assez pauvres pour être admis et pas assez riches pour trouver un toit correct.

Boutin a bien annoncé, dans une interview aux Echos (6/03), qu'une «grande loi sur le logement» serait soumise au Parlement le mois prochain, mais elle a pris soin de ne pas entrer dans les détails. La ministre s'est contentée de promettre «des mesures fortes de mise à disposition de plus de logements sociaux».

Ministre au rapport

Christine BOUTIN

Cette disposition de violette ne doit rien au hasard ; «On ne veut pas d'effets d'annonce. Il s'agit d'aller plus vite et d'éviter d'avoir à reculer face aux polémiques», confie un haut fonctionnaire. Pour mettre au point ce texte qui doit encore faire l'objet d'arbitrages, le gouvernement s'est largement inspiré d'un «relevé d'observations provisoires» de la Cour des comptes sur «l'occupation et la gestion du parc locatif social». Ce pré-rapport (lire en commentaire) n'y va pas avec le dos de la truelle : il suggère de baisser de 40% les plafonds de ressources permettant d'être locataires d'HLM. Cette mesure, défendue par Bercy, reviendrait à diviser par deux le nombre de foyers ayant le droit de postuler au logement social.

Dans les réunions interministérielles, Christine Boutin défend - mollement, d'après certains participants - une position moins tranchée et plaide pour une «petite» diminution de 10%, comme l'a écrit le journal en ligne Mediapart. Mais l'Élysée et Matignon réclament un tour de vis plus énergique et une baisse des plafonds pouvant aller jusqu'à 30%. Avantage : une telle mesure, en réduisant de facto le nombre de demandeurs d'HLM, rendrait caduque la promesse de Sarko de construire 100.000 logements sociaux par an et permettrait à l'État de réaliser de sacrées économies.

Ces dernières années, le niveau de vie des locataires d'HLM n'a cessé de baisser : 25% des nouveaux résidents vivent au-dessous du seuil de pauvreté et 60% des occupants appartiennent aux catégories «très sociales». Jusqu'à présent, les critères de revenus étaient fixés de façon à maintenir un minimum de mixité : les deux tiers des foyers fiscaux peuvent légalement solliciter un HLM. Ainsi, le «revenu fiscal de référence» d'un demandeur célibataire va jusqu'à 1.962 € par mois en Ile-de-France et 1.706 € dans les autres régions. Pour un couple avec deux enfants, ces chiffres grimpent à 4.591 € à Paris et 3.308 € en province.

Smicards à la rue
SMIC en langage des signes
Mais si la diminution de 40% des plafonds proposée par la Cour des comptes devenait effective, ce serait même une bonne partie des Smicards qui se verrait interdite d'HLM. On leur souhaite bonne chance pour trouver un toit ailleurs... La situation ne serait guère plus brillante si la baisse n'atteignait «que» les 30% réclamés par certains conseillers de Sarko et de Fillon. Ainsi, un célibataire dépassant les 1.374 € par mois en Ile-de-France, ou 1.185 € dans les autres régions, ne pourrait plus postuler pour un HLM. Même la «petite» diminution de 10% souhaitée par Boutin ne serait pas indolore. Par exemple, un célibataire marseillais devrait déclarer au fisc moins de 1.536 € par mois pour pouvoir bénéficier d'un HLM.

Autre gâterie prévue par la ministre : l'augmentation des surloyers. La législation actuelle est, il est vrai, absurde : les locataires d'HLM dont la situation professionnelle s'est fortement améliorée paient des surloyers ridicules. Ainsi, un couple avec un enfant qui déclare 5.800 € de revenus par mois ne doit payer qu'une cinquantaine d'euros de surtaxe pour un 60m² à Paris. Mais de tels cas restent l'exception : 1% seulement des locataires d'HLM dépassent de 50% ou plus les plafonds de ressources.

Loyers grand luxe
Fronton d'imeuble cossu à Neuilly
À l'avenir, ces privilégiés pourraient voir leur surloyer multiplié par huit. Et même, parfois, atteindre jusqu'à 1.680 € par mois de surtaxe pour un 60m². Ce qui revient à une expulsion. Plus gênant, avec une baisse importante des plafonds de ressources, des ménages qui disposent de revenus modestes risquent d'être touchés à leur tour : des revenus légèrement supérieurs au Smic entraîneront-ils une forte hausse du loyer ? Pour toute réponse, le ministère se contente d'un pudique et peu rassurant : «Les arbitrages n'ont pas encore été rendus».

En revanche, les logements de type intermédiaire (et non considérés comme des logements sociaux) devraient continuer à échapper au système des surloyers. Principalement construits en Ile-de-France, ces appartements de bon standing sont loués à la moitié du prix du marché parisien et sont destinés, en principe, aux classes moyennes. Pourtant, comme Le Canard l'a déjà souligné, nombre d'entre eux sont occupés par des cadres supérieurs, des membres de cabinets ministériels et autres pistonnés en tout genre qui disposent de revenus très confortables. Christine Boutin sait tout cela par cœur depuis qu'elle a perdu son directeur de cabinet, Jean-Paul Bolufer. Mais elle a d'autres priorités...

Hervé Liffran pour Le Canard Enchaîné du 26/03/08

 

 

 

 

La bible de la ministre (le prérapport)

La nouvelle bible de Boutin est un gros pavé d'environ 200 pages, rédigé l'été dernier par la Cour des comptes. Ce «relevé d'observations provisoires» et «confidentiel» sur «l'occupation et la gestion du parc locatif social» souligne les nombreux dysfonctionnements du petit monde des HLM (opacité des attributions, occupation anormale et indue des logements…).

Qualité essentielle de ce rapport provisoire de la Cour : il partage beaucoup d'idées défendues par Sarko durant la campagne présidentielle. A savoir : seuls les plus pauvres doivent accéder aux logements sociaux, et les locataires sont priés de déguerpir dès que leur situation s'améliore. Ainsi est-il proposé de créer un «droit de retrait de logement» qui permettrait aux offices HLM de mettre à la porte les locataires qui ont dépassé les plafonds de ressources.

Plus brutal encore, le rapporteur soutient qu'«il n'est pas établi que la mixité dans le logement soit un objectif à poursuivre» de manière systématique. En clair, les ghettos de pauvres ont de l'avenir.
Curiosité : La Cour des comptes s'appuie sur une étude, commandée à l'INSEE, qui mélange allègrement dans les statistiques HLM et logements de type intermédiaire (PLS et PLI) réservés aux classes moyennes. Ce mode de calcul revient à gonfler de façon artificielle le revenu moyen des résidents HLM. Mais ce n'est pas Sarko qui se plaindra de la méthode...



06/04/2008

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