BONDY A COEUR

APRES LE BOUCLIER FISCAL... LE BOUCLIER SANITAIRE...

 

Une contribution de mon ami syndicaliste,

               Pascal BOULARAND :

 

Comparable au « bouclier fiscal » dans sa finalité, le « bouclier sanitaire » est un nouveau coup de boutoir contre l'Assurance-maladie. C'est aussi une rupture de la solidarité puisque seuls, les malades paieront pour les malades. C'est un nouveau pas que la droite s'apprête à effectuer dans la destruction et la privatisation de notre système d'Assurance-maladie.

En effet, les « franchises » reviendront à faire payer les malades pour financer les soins d'autres malades, voire leur propre maladie pour quelqu'un qui souffrirait, par exemple, à la fois de la maladie d'Alzheimer et d'une autre affection et dans tous les cas, elles ne pourront donc qu'augmenter.

Une idée de Martin Hirsch…

Le « bouclier sanitaire » est une idée de Martin Hirsch, nommé Haut-Commissaire aux Solidarité Actives (HCA) en juin 2007. Elle consiste à remplacer les tickets modérateurs, les franchises (un euro par consultation) et autres forfaits (18 euros par acte de plus de 90 €) par un plafonnement des remboursements. En dessous de 3 % à 5 % du revenu fiscal d'un ménage, les dépenses de santé ne seraient pas remboursées. Au-dessus de ce seuil, elles seraient intégralement remboursées par l'Assurance-maladie.

Ainsi, un ménage de salarié ayant un revenu fiscal annuel de 30 000 euros par an ne percevrait plus aucun remboursement de l'Assurance-maladie pour des dépenses de santé inférieures à 900 euros par an (3 % du revenu) ou 1 500 euros (5 % du revenu) ! Ces dépenses resteraient à sa charge ou à celle de sa mutuelle s'il en possède une…

…sur un scénario de Briet-Fragonard

Le rapport Briet-Fragonard reprend l'idée de Martin Hirsh et y voit l'occasion de simplifier de façon drastique les règles de prise en charge des Affections de Longues Durées (ALD). Le bouclier ne s'appliquerait plus qu'à la dépense « remboursable » et les « dépassements tarifaires » qui se sont multipliés depuis la réforme Douste-Blazy de 2004 resteraient à la charge du patient.

Selon ce rapport, le « bouclier sanitaire », à condition que le plafond soit modulé en fonction des revenus, pourrait permettre une meilleure protection des patients à revenus modestes.

Mais sa fonction essentielle serait de « garantir durablement un meilleur pilotage de l'évolution des dépenses d'assurance maladie (sic) ». Ce qui revient à dire que le plafond de 3 % à 5 % du revenu fiscal fixé par Martin Hirsch pourrait s'élever en fonction des besoins de l'Assurance-maladie. Cette indexation de pourcentage est un véritable cadeau fait aux lobbies pharmaceutiques, aux cliniques privées et aux médecins libéraux dont l'augmentation des coûts et des tarifs est le facteur principal de l'augmentation des dépenses de santé. Dans cette perspective, nul besoin non plus d'augmenter la part patronale des cotisations maladie qui stagne depuis vingt ans. Il suffirait de rehausser le plafond à 6 %, 8 %, 10 %... pour rééquilibrer les comptes de l'Assurance-maladie. Dans ce système, les malades deviennent la « variable d'ajustement » des déficits de l'Assurance-maladie.

Aux Etats-Unis, (modèle sociétal cher à Nicolas Sarkozy), les personnes de plus de 65 ans utilisent en moyenne 20 % de leurs revenus annuels en dépenses de santé non remboursées.

… mis en scène par la Haute Autorité de Santé et Roselyne Bachelot

Le lundi 11 décembre, la Haute Autorité de Santé remettait à Roselyne Bachelot un avis préconisant une refonte totale du système de suivi médical et de couverture des ALD qui concerne 7,4 millions de personnes. Avec la « refonte totale » du remboursement des ALD ce ne sont plus seulement les « petits risques » qui sont en ligne de mire mais le cœur même de l'Assurance-maladie.

Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, reprend à son compte ce rapport et cet avis. Pour aider à convaincre de la nécessité d'un « bouclier sanitaire », elle n'avait d'ailleurs pas hésité taxer les malades et les assurés sociaux sous forme de « franchises médicales » mises en œuvre dès le 1er janvier 2008.

Une manœuvre en deux temps de Sarkozy pour briser l'Assurance-maladie

Nicolas Sarkozy, la main sur le cœur comme à son habitude, a tenu à préciser ce que serait le sens du « bouclier sanitaire » : « réserver la solidarité à ceux qui en ont le plus besoin ». C'est au contraire une nouvelle application de la méthode classique de la droite : diviser le salariat, dans un premier temps, pour infliger, dans un second temps, une défaite à l'ensemble des salariés. Les néolibéraux américains ont procédé de la même façon à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Ils ont commencé par supprimer les aides sociales aux salariés dotés d'un emploi à plein temps, affirmant qu'il fallait réserver les aides aux plus pauvres. Quelques années plus tard, ils retiraient l'essentiel des aides sociales destinées aux plus pauvres dans l'indifférence générale, le restant du salariat ne se sentant plus concerné. C'est exactement ce qui nous attend.

Rembourser les soins « en fonction de la situation sociale d'un assuré social » remet en cause le principe fondateur de l'Assurance-maladie qui veut que « chacun paie selon ses moyens et est remboursé en fonction de ses besoins ».

Mais c'est aussi l'abandon d'un autre de ses principes : à savoir l'augmentation des cotisations sociales quand les besoins augmentent… En fait, c'est la suppression pure et simple de la part patronale de cotisations maladie que vise maintenant la Droite au moyen de ce « bouclier sanitaire ».

Une volonté politique de détruire les acquis issus du Conseil National de la Résistance

Pour mieux appréhender les défis qui attendent le monde du travail et la destruction de notre système protection sociale dont le « bouclier sanitaire » n'est qu'un épisode parmi d'autres, il nous semble intéressant de vous présenter une analyse de Denis Kessler datée du 4 octobre 2007. Editorialiste au magazine « Challenges », successivement numéro 2 du Medef de 1994 à 1998 après avoir été maoïste dans sa jeunesse, D. Kessler est actuellement président du groupe de réassurance Scor depuis 2002, membre du Conseil Economique et Social, du Conseil National des Assurances, du Comité Européen des Assurances et de la Commission des Comptes de la Nation… C'est avec le cynisme des « anciens soixante-huitards reconvertis » aux « bienfaits » du libéralisme qu'il a explicitement mis sur la table le programme de réformes tout azimut lancé par le gouvernement Sarkozy. Voici un condensé du texte en question :

« Le modèle social français est le pur produit du Conseil National de la Résistance : un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer et le gouvernement s'y emploie… La liste des réformes ? C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance !

A l'époque se forge un pacte politique entre les gaullistes et les communistes. Ce programme est un compromis qui a permis aux premiers que la France ne devienne pas une démocratie populaire et aux seconds d'obtenir des avancées — toujours qualifiées d'« historiques » — afin de cristalliser dans des codes ou des statuts des positions politiques acquises. Ces compromis se sont traduits par la création des Caisses de Sécurité Sociale, le statut de la fonction publique, l'importance du secteur public productif, la consécration des grandes entreprises françaises qui seront nationalisées, le conventionnement du marché du travail, la représentativité syndicale, les régimes complémentaires de retraite, etc. Cette « architecture » a même été renforcée en 1981, à contresens de l'histoire, par le Programme Commun.

Aussi, ceux qui s'attaquent à ces institutions d'après-guerre apparaissent sacrilèges et il aura fallu attendre la chute du mur de Berlin, la quasi-disparition du Parti Communiste, la relégation de la CGT dans quelques places fortes, l'essoufflement asthmatique du Parti Socialiste comme conditions nécessaires pour que l'on puisse envisager l'« aggiornamento » qui s'annonce. Mais cela ne suffisait pas. Il fallait aussi que le débat interne au sein du monde gaulliste soit tranché et que ceux qui croyaient pouvoir continuer à rafistoler sans cesse un modèle usé, devenu inadapté, laissent place à une nouvelle génération d'entrepreneurs politiques et sociaux. Désavouer les pères fondateurs n'est pas un problème qu'en psychanalyse ».

C'est limpide ! Et ça jette une lumière crue sur les « réformes » engagées par Nicolas Sarkozy depuis son élection. Ajoutons, à l'attention de notre ex-maoïste et de sa brillante analyse que, pour lui, désavouer les « pères fondateurs » n'a sans doute jamais été un problème.

 

 



01/05/2008

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