Interview de Pierre LAURENT, tête de liste du Front de gauche en Ile-de-France
Lu sur PARIREGIONALES.FR - 17/02/10
Pierre Laurent :
« On est en droit d'attendre 7% »
Actuel numéro 2 du Parti communiste, Pierre Laurent est pressenti pour succéder à Marie-George Buffet en juin prochain. En attentant, il est tête de liste du Front de gauche en Ile-de-France. Nous l'avons rencontré pour parler sa campagne et des échéances qui la suivront.
PariRégionales.fr – Vous êtes très peu connu du grand public, est-ce que cela vous pèse ?
Pierre Laurent - Pour être connu, il faut se présenter, c'est aussi cela être candidat. Cela fait partie d'une campagne électorale. Mais je suis aussi candidat du Front de gauche, qui lui l'est beaucoup plus.
Donc votre but dans cette campagne, c'est de vous faire connaître ?
Non, le but c'est de faire élire le maximum de candidats du Front de gauche, dans la majorité régionale de gauche. Ce n'est pas la liste de Pierre Laurent, c'est une liste collective. Je la conduis, mais je ne suis pas candidat pour mettre mon nom sur l'affiche. On a un projet pour la région et j'essaie de la porter dans la campagne.
Il ne s'agit donc pas de préparer l'après Marie-George Buffet ?
Non, je suis candidat parce qu'il y avait une volonté partagée de faire conduire la liste du Front de gauche en Ile-de-France par un communiste. Il y a une implantation locale forte du parti avec beaucoup d'élus dans cette région. Les communistes ont proposé que ce soit moi, parce que je suis un des principaux dirigeants et que je n'étais pas élu. C'était un signe de renouvellement.
« L'égalité d'accès aux transports
est une mesure d'égalité sociale »
Vous proposez des mesures différentes que les autres partis de gauche sur les transports ?
On propose un pass Navigo à 56 euros. On trouve que l'égalité d'accès aux transports est une mesure d'égalité sociale. En Ile-de-France, certains ne le pensent pas, comme Jean-Paul Huchon que j'ai entendu déclarer que ce n'était pas une mesure de gauche de faire ça.
Ça complique votre alliance avec le PS au second tour ?
Notre objectif est d'être le plus haut possible dans la gauche. Au deuxième tour, on fera l'union avec toutes les forces de gauche et écologistes pour battre la droite. On veut faire poser nos orientations au sein de la gauche parce qu'on la trouve beaucoup trop peu combative par rapport à la droite actuelle. On a une droite très brutale, qui va très loin dans ses projets. Ses projets en Ile-de-France vont, à nos yeux, amplifier les inégalités.
« Battre la droite le plus efficacement possible »
Comment expliquez-vous que le Parti communiste n'arrive pas à incarner une opposition crédible à la droite aux yeux des électeurs ?
Je crois que les rapports de force politiques ne s'inversent pas comme ça du jour au lendemain. On sort d'une période où le Parti socialiste a dominé la gauche. Il y a eu une première phase où les gens n'étaient pas bien au courant de l'élection régionale. Maintenant ils sont un peu rentrés dans ce débat-là. On sent que domine une volonté très forte de battre la droite, d'empêcher Pécresse de prendre la direction de la région, on le vérifie sur le terrain. Le débat, maintenant, c'est de savoir quelle gauche on va choisir pour battre la droite le plus efficacement possible.
Vous êtes entré au Parti communiste en 1972, est-ce que vous pensez réellement qu'un parti issu de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire et le PCF peuvent cohabiter au sein de la même alliance ?
Dans le Front de gauche, il y a aussi d'autres formations. Par ailleurs, il y a tous les jours des mobilisations sociales dans lesquelles je défile à côté de socialistes, de verts, de gens du NPA. Je pense que des gens qui n'ont pas les mêmes opinions politiques sur tout, mais qui se retrouvent dans des valeurs, peuvent travailler ensemble. Au contraire de l'UMP, nous revendiquons la diversité de la gauche. Le bipartisme avec un camp à gauche et un à droite est une idée régressive et anti-démocratique.
Vous regrettez que le NPA n'ait pas pris part au Front de gauche ?
C'est un choix regrettable. Les élections européennes avaient déjà envoyé un message. Les électeurs ont envie que toutes les forces qui veulent construire une gauche de combat s'unissent. Persister dans l'isolement, c'est prendre le risque d'être incompris, même par ses propres électeurs. Je pense que c'est ce qu'il va se passer.
« On a instrumentalisé l'affaire de la candidate voilée »
Vous auriez accepté la présence d'une femme voilée sur votre liste ?
On a instrumentalisé cette affaire, et ce, du côté du NPA comme du côté de ses adversaires. Les uns s'en sont servi pour montrer du doigt les femmes voilées, et à travers elles, une communauté entière. On sait bien qu'il y a dernière cela, à droite, des débats nauséabonds. On l'a vu avec le débat sur l'identité nationale et celui sur la burqa, en pratiquant les amalgames. Du côté du NPA, cela permettait de dire qu'ils viennent des quartiers populaires, en disant : « on a une femme voilée ». Je vais tous les jours dans les quartiers populaires, et les gens ne demandent pas ça. Ils veulent qu'on les reconnaissent au-delà de leurs préférences religieuses, comme des citoyens à part entière.
Et vous auriez accepté une femme voilée sur votre liste ?
Ce qui compte ce sont ses convictions. Peu importe son apparence, pour un candidat ou une candidate, quel qu'il soit.
Si le Front de gauche fait 5 % en Ile-de-France, le 14 mars, vous l'interprèterez comment ?
Il fera plus. La liste communiste avec Alternative citoyenne avait fait 7%, en Ile-de-France, en 2004. Avec le concours du Parti de gauche et des autres formations , on est en droit d'attendre autant.
« J'ai confiance dans le résultat
et la bataille qu'on va mener »
Et si vous ne faites que 5% ?
Je ne vais pas répondre par des hypothèses. Mon objectif est de faire mieux que la dernière fois. Certains sondages nous voient à 7%, d'autres à 6% ou à 5%. Ce que je vois c'est qu'il y a surtout beaucoup de gens qui ne savent pas encore pour qui voter. J'ai confiance dans le résultat, et dans la bataille qu'on va mener dans les semaines à venir.
Vous vous voyez prochain secrétaire général du Parti communiste ?
On verra ça après les régionales. Il faut prendre les choses les unes après les autres. Marie-George Buffet a indiqué sa volonté de passer la main à la direction du Parti communiste et on a décidé de préparer collectivement ce passage de témoin. On a mis en place une équipe de direction renouvelée que j'anime. Si les communistes l'acceptent en juin, je prendrai le relais.
Après les régionales vous allez mener campagne contre à la réforme des retraites ? C'est aussi une étape dans votre accession à la tête du parti ?
La bataille sur les retraites a déjà commencé. Elle a commencé avec le sommet social à l'Elysée du 15 février, et elle oppose le projet du gouvernement à une part entière de la société française. On voit bien dans les enquêtes d'opinion qu'il y a une hostilité très majoritaire aux objectifs de la réforme. Il est évident que cette réforme vise à remettre en cause le droit de départ à la retraire à 60 ans.
Et vous proposez quoi pour financer les régimes de retraites ?
On pense qu'il doit y avoir un débat de société concernant le maintien, ou pas, du départ à la retraite à 60 ans. Doit-on considérer que l'allongement de l'espérance de vie doit conduire à augmenter le temps qu'on passe au travail dans sa vie ? Nous pensons que non. Nous pensons que dans une vie, même si l'espérance de vie s'allonge, il y a de la place pour une vie de travail intense entre la fin des études et 60 ans, et un temps qui soit consacré à la retraite. Aujourd'hui la retraite est souvent pleine d'activités sociales ou associatives. Après, si on fait ce choix de société, il faut se demander si on peut le financer. Nous, on pense que c'est possible en taxant les revenus qui ne contribuent pas au financement des retraites, comme les revenus financiers. Si on les faisait cotiser au même niveau que les salaires, cela rapporterait 22 milliards d'euros. Le taux d'activité des jeunes, des femmes et des plus de 50 ans est aussi très bas. Il faut travailler sur ces questions-là, sur la qualité de l'emploi pour les jeunes, et cela fera des recettes considérables, saines et pérennes, pour financer les retraites.
Propos recueillis par Thibault Chaffotte